La liberté d’embauche est la faculté reconnue à l’employeur de recruter le candidat de son choix lorsqu’il en a besoin. Cependant, cette liberté d’embauche n’est pas totale. Au Sénégal, la liberté d’embauche est limitée par certaines restrictions qui sont d’origine légal et conventionnel. Nous vous expliquons tout dans cet article.
Sommaire
- I- Les limites légales à la liberté d’embauche
- 1) L’interdiction de débaucher
- 2) La priorité d’emploi
- 3) Les interdictions d’emploi
- II- Les limites conventionnelles à la liberté d’embauche : la clause de non - concurrence
- 1) Les conditions de validité de la clause de non - concurrence
- 2) La mise en œuvre de la clause de non – concurrence
I- Les limites légales à la liberté d’embauche
Lors de la phase d’embauche, l’employeur doit respecter certaines restrictions prévues par la loi. Il s’agit de l’interdiction de débaucher (1), de la priorité d’embauche reconnu à certains candidats (2) et de l’interdiction d’emploi (3)
1) L’interdiction de débaucher
Le débauchage consiste à inciter un travailleur à quitter son emploi pour se mettre au service d’un autre employeur. Lorsque deux employeurs mènent des activités professionnelles concurrentes, la pratique de débauchage est qualifiée de concurrence déloyale. Cette pratique contribue à priver son concurrent de ses meilleurs salariés.
L’offre d’emploi de l’entreprise concurrente n’est pas en elle-même constitutive d’une faute. Il faut que le débauchage résulte des manœuvres déloyales ayant causé un préjudice à la victime (désorganisation de l’entreprise, obtention d’informations privilégiées. Ainsi l’employeur qui recrute un salarié dans une entreprise concurrente engage sa responsabilité s’il a insisté ce salarié à quitter son ancienne entreprise dans le but de récupérer la clientèle ou s’il a commis des actes de concurrence déloyales.
Par contre, la responsabilité de l’employeur ne sera pas en engagée s’il ignore l’existence d’une telle clause. Aux termes des articles L.57 et L.259 du code du travail, le débauchage peut être considéré comme un délit civil ou pénal. La victime du débauchage c’est dire l’employeur peut donc obtenir la réparation du préjudice subi. Ce préjudice peut – être morale, matériel ou commercial.
2) La priorité d’emploi
Le législateur sénégalais a prévu au profit de certains salariés dont le contrat est rompu une priorité d’embauche dans leur ancienne entreprise. La liberté contractuelle de l’employeur de trouve ainsi légalement réduite puisque lorsqu’i entend recruter, il n’a plus le libre choix de son cocontractant. Il doit en effet préférer ces salariés à tout autre candidats. C’est le cas par exemple des salariés licenciés pour motif économique qui bénéficient dans leur ancienne entreprise et pendant 02 ans de la priorité d’embauche dans la même catégorie (article 62 du code du travail).
3) Les interdictions d’emploi
La liberté d’embauche est également restreinte par des règles législatives dans plusieurs cas. Ces interdictions concernent le contrat de travail à durée déterminée, le cumul d’emploi, le travail des femmes et des enfants, le travail des étrangers.
- Le contrat de travail à durée déterminée
Le contrat de travail à durée déterminée ne doit pas avoir pour but de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Son usage est strictement réglementé. Aussi, l’article L. 46 du code du travail interdit de recourir à un contrat de travail à durée déterminée dans les 06 mois qui suivent un licenciement pour motif économique en ce qui concerne les postes supprimés à la suite de ce licenciement sauf si la durée du contrat non susceptible de renouvellement n’excède pas 03 mois.
- Le cumul d’emploi
Le cumul d’emploi consiste à exercer un ou plusieurs emplois sous forme de contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée. Cette pratique est rigoureusement encadrée. C’est ainsi que l’article L.35 du code du travail interdit à tout travailleur d’exécuter pendant son congé payé les travaux rétribués. L’employeur qui aura occupé en toute connaissance de cause un travailleur bénéficiaire d’un congé payé sera sanctionné dans les mêmes conditions que le travailleur qu’il aura occupé en violation de l’interdiction de travail pendant les congés payés (Article L.62 du code du travail).
Dans certains secteurs d’activité, la loi interdit l’exercice d’une autre activité. C’est ainsi qu’un travailleur relevant des professions industrielles, commerciales, ou artisanales ne peut exercer pour son propre compte cumulativement avec son emploi une profession industrielle, commerciale ou artisanale. Il convient préciser que l’exercice de certaines activités au Sénégal n’est pas soumis à interdiction. Ainsi sont exclus des interdictions conformément à l’article 166 du code du travail :
- Les travaux d’ordre scientifiques, littéraires, artistiques, et les concours apportés aux œuvres d’intérêts général notamment d’enseignement, d’éducation et de bienfaisance.
- Des travaux effectués pour son propre compte à titre gratuit
- Les travaux d’extrême urgence dont l’exécution est nécessaire pour prévenir un danger imminent ou pour organiser les mesures de sauvetage.
- Les travaux à temps partiel de ceux qui font métier de louer leur service à plusieurs employeurs pour des horaires inférieurs à la durée légale sans que le nombre d’heures de travail cumulées puisse être supérieur à celui de la durée maximale de travail telle quelle résultent des articles L.135 à L.139 et des arrêtés ministériels prévus pour son application.
- Le travail des femmes et des enfants
Afin de protéger la santé de la femme et des enfants, le législateur sénégalais interdit de les affecter à certains travaux en raison de leur caractère dangereux.
Il est également interdit d’employer la femme pendant une période de 8 semaines au total avant et après l’accouchement et en aucun cas pendant 06 semaines suivant l’accouchement. De même conformément à l’article L.144 du code du travail, aucun employeur ne peut embaucher un enfant avant l’âge minimum requis pour travailler, lequel est fixé à 15 ans.
- Le travail des étrangers
Les étrangers qui séjournent au Sénégal avec un visa touristique ne peuvent être autorisé à y travailler en tant que salarié. Aux termes de l’article L.224 du code du travail, des décrets peuvent déterminer, en fonction des nécessités économiques, démographiques et sociales, les possibilités d’embauchage des entreprises. Ils peuvent, en vue du plein emploi de la main-d’œuvre nationale, interdire ou limiter l’embauchage de travailleurs étrangers, pour certaines professions ou certains niveaux de qualification professionnelle.
Le contrat de travail du travailleur, dont l’autorisation est révoquée doit être résilié de plein droit. L’exercice de certaines professions ou activités lucratives peut être interdit aux étrangers ou faire l’objet de limitation par décret. Le travailleur étranger qui continue à exercer une activité malgré une interdiction ou après la révocation de son autorisation encourt des sanctions pénales tout comme son employeur lorsque celui-ci a reçu la notification de la révocation de l’autorisation de son employé
II- Les limites conventionnelles à la liberté d'embauche : La clause de non - concurrence
La clause de non concurrence est une disposition écrite pouvant figurer dans un contrat de travail dont l’objet est d’interdire à un ancien salarié, après son départ de l’entreprise l’exercice d’une activité professionnelle concurrente qui porte atteinte aux intérêts de son ancien employeur. Elle constitue une limite conventionnelle à la liberté d’embauche. La mise en œuvre est soumise à des conditions de validité.
1) Les conditions de validité de la clause de non concurrence
Les conditions de validité de la clause de non concurrence sont prévues à l’article L.35 alinéa 2 du code du travail qui prévoit deux conditions à savoir : la nature de l’activité concurrente d’une part et la limitation dans le temps et dans l’espace d’autre part. Une troisième condition liée à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise a été consacrée par la jurisprudence.
La clause de non- concurrence doit laisser la possibilité au salarié d’exercer une activité qui lui est propre. De ce fait , l’interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l’employeur. Ainsi la mise en application d’une clause de non concurrence ne doit pas empêcher le salarié de retrouver une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle qui ne concurrence pas l’activité de son employeur.
La clause de non concurrence doit être limitée dans l’espace et dans le temps. C’est ainsi que l’article L.35 alinéa 2 du code du travail prévoit que la limitation ne peut dépasser un rayon de 50 kilomètres autour du lieu de travail. La durée de la période pendant laquelle le salarié ne peut avoir d’activité concurrente ne doit pas dépasser un an. Cette limitation temporelle permet de garantir le principe de la liberté de travail.
Les juges sénégalais se sont inspirés de la jurisprudence française et estiment que la clause de non – concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur. L’employeur doit pouvoir protéger son entreprise contre une concurrence anormale que pourrait développer l’ancien salarié. La fonction exercée par le salarié peut être la raison lorsque ce dernier est par exemple en contact avec la clientèle. Il est à craindre que cette clientèle le suive s’il rejoint une entreprise concurrente. C’est le cas par exemple d’une maquilleuse dans un salon esthétique.
2) La mise en œuvre de la clause de non concurrence
La clause de non concurrence ne s’applique pas pendant l’exécution du contrat de travail. Elle ne prend effet qu’en cas de rupture du contrat de travail du fait du travailleur ou d’une faute lourde de sa part. A cet effet, le salarié licencié pour motif économique ou faute légère ne peut se voir opposer le respect d’une clause de non – concurrence. Les dispositions insérées dans la clause de non concurrence s’appliquent dès la date de cessation effective des fonctions du salarié dans l’entreprise. Toutefois, rien n’interdit l’employeur de renoncer à l’application de la clause. En pratique la mise en ouvre d’une telle renonciation résulte souvent d’une négociation entre l’employeur et le salarié.
Si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence, il peut voir sa responsabilité engagée. Il peut aussi se voir interdire en référé et sous astreinte la poursuite de l’activité professionnelle. Par ailleurs, le nouvel employeur qui a embauché un salarié tout en connaissant l’existence d’une clause de non- concurrence le liant à son précédent employeur peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la concurrence déloyale.