Décret N° 95/677/PM du 18 décembre 1995 relatif aux dérogations à la durée légale du travail au Cameroun

LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT
Vu la constitution ;
Vu la loi n° 73/5 du 07 décembre 1973 fixant le régime des fêtes légales en République Unie du Cameroun, ensemble son modificatif n° 76/8 du 8 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 92/245 du 26 novembre 1992 portant organisation du gouvernement, ensemble ses modificatifs subséquents ;
Vu le décret n° 92/089 du 04 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre ;
Vu le décret n° 92/244 du 25 novembre 1992 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
Sur avis de la Commission Nationale Consultative du Travail, en sa séance du 28 février 1995 ;
DECIDE :

Article 1er – (1) Le présent décret fixe :

– Les circonstances et les limites dans lesquelles des dérogations à la durée légale du travail sont autorisées : et
– Les modalités d’exécution et de rémunération des heures supplémentaires donnant lieu à la majoration.
(2) Il s’applique aux entreprises soumises au régime de la durée légale hebdomadaire de travail de quarante (40) heures, ainsi qu’aux entreprises agricoles ou assimilées dans lesquelles la durée de travail ne peut excéder quarante-huit (48) heures par semaine.

CHAPITRE I - DES DEROGATIONS A LA DUREE LEGALE DU TRAVAIL

SECTION I - DES EQUIVALENCES A LA DUREE DU TRAVAIL

Article 2 – (1) Sauf dispositions plus favorables des conventions collectives ou des contrats individuels de travail, une durée de présence supérieure à la durée hebdomadaire de travail de quarante (40) heures ou de quarante-huit (48) heures suivant le cas, et considérée comme équivalente à celle-ci est admise pour les préposés à certains travaux en raison soit de la nature de ceux-ci, soit de leur caractère intermittent.

(2) Le salaire hebdomadaire dû pour les heures de présence ainsi admises est celui qui correspond à quarante (40) heures ou quarante-huit (48) heures de travail, suivant le cas.

Article 3 – Les équivalences prévues à l’article 2 (1) sont établies de la manière suivante :

1) Cinquante-six (56) heures, équivalant à :

–  Quarante (40) heures de travail effectif par semaine lorsqu’il s’agit du personnel occupé exclusivement à des opérations de gardiennage ou de surveillance, ainsi que du service d’incendie.

2) Quarante-huit (48) heures de travail effectif par semaine : 

– Lorsqu’il s‘agit du personnel exclusivement occupé à des opérations de gardiennage ou de surveillance, ainsi que du service d’incendie dans les entreprises agricoles ou assimilées.

3) Quarante-cinq (45) heures équivalant à quarante (40) heures de travail effectif par semaine pour le personnel :

a) Des hôpitaux, hospices, cliniques, dispensaires, maisons de santé et de tous les établissements de cure, soins, repos et/ou convalescence ;
b) Exclusivement affecté à la vente dans les établissements de vente en détail de denrées alimentaires, dans les officines de détail ainsi que dans les stations-service ;
c) Des salons de coiffure et instituts de beauté ;
d) De cuisine et buanderie dans les hôtels el les restaurants.

4) Cinquante-quatre (54) heures équivalant à quarante (40) heures de travail effectif par semaine pour :

a) Le personnel des hôtels, restaurants, débits de boisson, cafés autre que celui exerçant l’une des activités visées au paragraphe d) 3);
b) Les domestiques et employés de maison.

SECTION II - DE LA PROLONGATION DE LA DUREE DU TRAVAIL

Article 4 – (1) La durée du travail effectif journalier peut être prolongée au-delà des limites assignées au travail normal de l’établissement ou de l’exploitation concernée, lorsqu’il s’agit de certains travaux préparatoires ou complémentaires insusceptibles d’être effectués dans le cadre de l’horaire établi, ainsi que pour certaines opérations techniques qui ne peuvent être arrêtées à volonté lorsqu’elles ne sont pas terminées dans les limites normales de temps de travail.

(2) Peuvent notamment faire l’objet de prolongation, les travaux :

a) Des ouvriers spécialement employés à la conduite des fours, fourneaux, études, sécheries, autoclaves et/ou appareils frigorifiques ;

b) Des mécaniciens, électriciens, chauffeurs, employés au service delà force motrice ou de l’éclairage, du chauffage, du matériel de levage et des moyens de transport intérieurs à l’établissement ;
c) Des conducteurs de véhicules automobiles, livreurs, magasiniers, basculeurs, préposés aux passages des camions, pointeurs de personnel, garçons de bureau ou agents en charge du nettoyage des locaux ;
d) Des conducteurs de tracteurs, charretiers, bouviers, lorsqu’il s’agites tâches effectuées avant le départ et dès le retour à l’exploitation, notamment la préparation et l’entretien du matériel, de la nourriture ainsi que des soins donnés aux animaux;
e) Du personnel de maîtrise et des chefs d’équipe dont la présence est indispensable pour la préparation des travaux exécutés par l’établissement ou dans le cadre de la coordination de deux (2) équipes qui se succèdent ;
f) Imprévus, lorsque lesdits travaux sont exécutés en vue d’assurer, dans des délais de rigueur, le changement ou le déchargement des wagons, bateaux, camions ou avions.
(3) Aucune des prolongations de la durée normale de travail visées au (2) ne peut excéder une heure par jour.

Article 5 – La durée du travail effectif peut également, à titre exceptionnel, être prolongée au-delà de la durée légale en cas de travaux urgents dont l’exécution est nécessaire.

(1) En vue de la prévention des accidents imminents, de la perte, inévitable d’un produit ou de l’arrêt d’une production continue, de l’organisation des sauvetages ou de ! a réparation des dommages survenus aux installations, bâtiments, matériels, moyens de transport de l’entreprise ou de l’exploitation Concernée ;
(2) Pour sauver d’une perte inévitable des récoltes ou denrées essentiellement périssables.

Article 6 – (1) Les heures de travail accomplies au titre des prolongations prévues aux articles 4 et 5 sont rémunérées au taux normal.

(2) Elles doivent faire l’objet d’une mention spéciale dans le bulletin de paie indépendamment des heures de travail effectuées dans le cadre de l’horaire normal.

SECTION III - DE LA RECUPERATION DES HEURES DE TRAVAIL PERDUES

Article 7 – (1) Une prolongation de la journée de travail peut être pratiquée à titre de récupération des heures perdues en cas d’interruption collective de travail résultant d’une cause accidentelle ou d’une force majeure, notamment :

– Un accident survenu au matériel ;
– Une interruption de force motrice ;
– Une interruption de force motrice ;
– Un sinistre et/ou ;
– une intempérie.
(2) Elle peut être pratiquée dans la semaine affectée par l’interruption ou, le cas échéant, le ou les semaine(s) suivante(s).
(3) Est interdite toute récupération des heures perdues par suite de grève ou de lock-out déclenché(e) après épuisement des procédures de conciliation et d’arbitrage prévues aux articles 158 à 164 du Code du Travail.

Article 8 – (1) La récupération des heures perdues, telles que prévues par le présent décret, ne peut intervenir que lorsque l’interruption collective de travail qui en est la cause a pour conséquence de porter l’horaire hebdomadaire de travail effectue en-deçà de la durée hebdomadaire de travail soit de quarante (40) heures, soit de quarante-huit (48) heures ou de toute autre durée considérée comme équivalente conformément aux dispositions de l’article 2 alinéa (1).

Seules les heures de travail perdues en-deçà de ladite durée peuvent être récupérées.
(2) La récupération doit être réalisée pendant les jours ouvrables et respecter le repos hebdomadaire
(3) Les heures de travail effectuées au titre d’une récupération sont rémunérées au taux normal.

CHAPITRE II - LES HEURES SUPPLEMENTAIRES

SECTION I - DES MODALITES D'EXECUTION DES HEURES SUPPLEMENTAIRES

Article 9 – (1) La durée effective du travail peut, à titre temporaire être prolongée au-delà de la durée légale en cas de travaux rendus nécessaires : 

– Par un surcroît exceptionnel ou saisonnier de travail et/ou
– Par l’impossibilité d’achever les opérations et travaux dans les délais impartis.
(2) dans chacune des éventualités prévues au (1), l’employeur ne peut faire accomplir des heures supplémentaires que lorsqu’il n’a pas la possibilité de recruter une main-d’œuvre supplémentaire, en raison : – de la qualification et de la nature des travaux à exécuter et/ou – de l’organisation des postes de travail dans son établissement.

Article 10 – (1) L’employeur désireux de faire effectuer des heures supplémentaires adresse au préalable à l’Inspecteur du Travail du ressort une demande faisant ressortir :

– La période et le nombre de travailleurs concernés ;
– Les motivations de la prolongation de la durée de travail, et ;
– Les modifications corrélatives à apporter à l’horaire de l’établissement.
(2) L’inspecteur du Travail est tenu de se prononcer dans un délai maximal de quinze (15) jours à compter de la date de réception de la demande mentionnée au (1) après consultation des délégués du personnel de l’établissement concerné, s’il en existe.
Passé ce délai et en cas de silence de l’Inspecteur du Travail, l’autorisation est réputée accordée
(3) En cas d’urgence ou de force majeure survenue pendant les jours non ouvrables, l’employeur peut faire effectuer des heures supplémentaires, sous réserve de solliciter la régularisation auprès de l’Inspecteur du Travail du ressort dès le premier jour ouvrable.
Toutefois, une telle mesure ne peut intervenir plus de deux (2) fois au cours d’une période consécutive de six (6) mois.
(4) L’autorisation visée au (2) est accordée pour une période maximale de trois (3) mois. Elle ne peut avoir pour effet sauf accord exprès et exceptionnel de l’Inspecteur du Travail de porter la durée totale du travail à plus de soixante (60) heures par semaine et à plus de dix (10) heures par jour.

Article 11 – (1) L’employeur ayant fait effectuer des heures supplémentaires à des travailleurs ne peut licencier ces derniers pour manque de travail ou compression d’effectifs.

(2) L’interdiction édictée au (1) est valable pendant les trois (3) mois suivant accomplissement des heures supplémentaires. Elle ne s’applique pas aux travailleurs embauchés temporairement en raison du surcroît exceptionnel de travail.

SECTION II - DE LA REMUNERATION DES HEURES SUPPLEMENTAIRES

Article 12 – Les heures supplémentaires effectuées conformément aux dispositions du présent décret donnent lieu à majoration de salaire de la manière suivante :

a) Heures supplémentaires de jour :
– Pour les huit (8) premières : vingt pour cent (20%) du salaire horaire ;
– Pour les huit (8) suivantes – trente pour cent (30%) du salaire horaire ;
– Pour la troisième d’heures, jusqu’à vingt (20) heures par semaine : quarante pour cent (40%) du salaire horaire ;
– Pour les heures supplémentaires accomplies les dimanches quarante pour cent (40%) du salaire horaire
b) Heures supplémentaires de nuit :
– Cinquante pour cent (50%) du salaire horaire.
c) Heures supplémentaires accomplies dans les circonstances Prévues à l’article 10, (3).
– cinquante pour cent (50%) du salaire horaire.

Article 13 – (1) Les majorations prévues à l’article 12 sont dues pour toute heure effectuée au-delà de la durée hebdomadaire de travail rappelée à l’article 2.

(2) Nonobstant les dispositions du (1), les travailleurs assujettis à des dispositions particulières du présent décret bénéficient d’une rémunération majorée au titre de paiement des heures supplémentaires dans les cas suivants :
– Lorsque le temps de travail effectué se situe au-delà de la durée considérée comme équivalente à la durée légale dans le régime des équivalences fixé à l’article 3 ;
– Consécutivement à l’accomplissement de la durée de travail prolongée, lorsqu’il s’agit du régime de la prolongation de travail tel que défini à l’article 4.

Article 14 – (1) Le salaire horaire auquel s’applique la majoration est le salaire effectif perçu par le travailleur, les diverses primes inhérentes à la nature du travail incluses.

(2) Le salaire horaire des travailleurs dont la rémunération est stipulée au mois s’obtient en divisant le salaire mensuel effectif par :
– Cent soixante-treize (173) heures un tiers (1/3) pour les travailleurs effectuant quarante (40) heures de travail par semaine ;
– Deux cents (200) heures pour les travailleurs effectuant quarante-huit (48) heures par semaine ;
– Le total des heures considère comme équivalentes conformément aux dispositions du présent décret.

CHAPITRE III - DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 15 – (1) Au sens de l’article 80 (2) du Code du Travail, les entreprises agricoles assimilées comprennent notamment :

a) Les exploitations agricoles proprement dites ;
b) Les haras ;
c) Les exploitations d’élevage de déchessage et d’entraînement ;
d) Les exploitations de polyculture ;
e) Les exploitations forestières effectuant des travaux ;
– D’abattage, d’ébranchage et de transport de bois en forêt, lorsque lesdits travaux sont exécutés sur le parterre de la coupe ;
– De débit de façonnage, de sciage de carbonisation, d’empilage et d’écorçage.
f) les établissements de sciage, déroulage et tranchage lorsque lesdits établissements ;
– Font partie et sont le complément de la même entreprise que l’exploitation forestière ;
– Tirent au moins soixante pour cent (60%) du bois qu’ils traitent de l’entreprise forestière concernée et où ;
– Ont pour objet la transformation des grumes en matériaux bruts à l’exclusion de la fabrication de tous produits finis.
g) Les usines de conditionnement des produits agricoles ;
h) Les usines rattachées à des exploitations agricoles ;
i) Les entreprises ayant pour objet l’entretien et la mise en état des jardins;
j) Les bureaux, dépôts et magasins de vente se rattachant à une exploitation agricole ou assimilée, lorsque celle-ci constitue le principal établissement.
(2) Sont exclus de la catégorie d’entreprises visées au-(4) :
a) Les établissements traitant et transformant des produits agricoles, Lorsque ces opérations ne sont pas nécessaires pour tirer parti de la récolte ;
b) les ateliers annexés à une exploitation agricole ou assimilée, autres que ceux nécessaires à la réparation et à l’entretien du matériel de l’exploitation;
c) les laboratoires annexés à une exploitation agricole assimilée autres que ceux nécessaires au contrôle des opérations de traitement et de transformation.

Article 16 – Sans préjudice des peines plus sévères, les infractions aux dispositions du présent décret sont punies conformément à l’article R370 du Code Pénal.

Article 17 – Le présent décret abroge toutes les dispositions antérieures contraires du décret n° 66-DF-249 du 10 juillet 1963 fixant les modalités d’application de la durée du travail et déterminant les dérogations dans les entreprises soumises au régime de !a durée légale hebdomadaire de quarante (40) heures et du décret n° 68-DF-250 du 10 juillet 1968 fixant les modalités d’application de la durée du travail et déterminant le régime des dérogations dans les entreprises agricoles et assimilées.

Article 18 – Le Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale est chargé de l’application du présent décret qui sera enregistré publier suivant la procédure d’urgence puis insère au journal officiel en anglais et en français. /-

Yaoundé, le 16 décembre 1995
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement Simon
ACHIDIACHU
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